Ou… les pratiques artistiques intermédia comme agent discursif du zeitgeist (l’esprit du temps).
>>>Inscriptions au workshop closes
« Qu’arrive-t-il lorsque les vieilles rengaines de la philosophie occidentale et de l’économie politique deviennent impensables au sein de nos meilleures sciences? Qu’arrive-t-il lorsque l’exceptionnalisme humain et l’individualisme méthodologique ne sont plus disponibles en tant qu’outils de pensée dans les sciences sociales et naturelles ? Depuis le 18ème siècle impérialiste, la biologie a fait preuve d’ une puissance particulière dans la concoction de notions portant sur les habitants mortels de la terre : c’est à elle que nous devons l’Homo sapiens – l’Humain en tant qu’espèce, l’Anthropos. Qu’arrive-t-il lorsque les biologies les plus pointues du 21ème siècle ne peuvent plus travailler avec des individus-bien-définis-plus-le-contexte et lorsque les organismes-plus-les-environnements, ou les gènes-plus-ce-qu’ils-requièrent ne tiennent plus face à la richesse débordante des connaissances biologiques — si tant est qu’ils l’aient jamais fait ? On ne peut tout-de-même pas nommer cette époque Anthropocène !Pour ma part, je veux faire des histoires. Avec tous les descendants infidèles des dieux célestes, avec mes compagnons de litière qui se vautrent dans de riches embrouilles inter-espèces, je veux fabriquer une agitation critique et joyeuse. Je ne résoudrai pas le problème mais penserai avec lui, me laisserai troubler par lui. La seule façon que je connaisse pour le faire est d’en appeler à la joie créatrice, à la terreur et à la pensée collective. Mon premier démon familier sera une araignée, Pimoa Cthulhu. Elle vit sous les souches dans les forêts de séquoias des comtés de Sonoma et de Mendocino, près de là où je vis. Personne ne vit partout ; chacun vit quelque part. Rien n’est connecté à tout ; chaque chose est connectée à quelque chose. L’araignée est à sa place, elle a une place, et pourtant son nom lui fait faire d’étranges voyages. Cette araignée va m’aider par des retours, et par des racines et des itinéraires. Son nom générique, Pimoa, signifie « longues pattes » dans la langue du peuple Goshute de l’Utah et son nom spécifique renvoie à Cthulhu, l’Ancien Dieu tentaculaire que Lovercraft imagina en 1928. Quant à moi, je nommerai mon démon Chthulu, et en ferai l’une de ces créatures élémentaires, habitant les profondeurs, que l’on nomme chthoniennes. Les pouvoirs chthoniens de Terra infusent tous les lieux, quels que soient les efforts civilisateurs des agents des dieux célestes pour les astraliser et pour installer l’Unique et ses comités domestiqués de multiples ou de sous-divinités – l’Un et le Multiple. Avec Pimoa Chthulu, je propose un nom pour un ailleurs et pour un autre temps, un temps qui a été, qui est toujours, et qui pourrait encore être : le Chthulucène. » Donna Haraway. Extrait de « Staying with the trouble : Sympoièse, figures de ficelle, embrouilles multispécifiques », conférence donné au colloque « Gestes spéculatifs » à Cerisy en 2013 (traduit par I. Stengers, B. Zitouni et V. Despret) “La chose la plus miséricordieuse qui fut jamais accordée à l’homme est son incapacité à faire le rapprochement entre toutes ses connaissances. Nous vivons sur une île d’ignorance placide, au beau milieu de mers noires et infinies, sur lesquelles il n’a jamais été prévu que nous naviguions très loin. Les sciences, dont chaque branche avance péniblement et exclusivement dans son domaine propre, ne nous ont pas vraiment fait de tort. Mais un jour, le puzzle reconstitué de toutes nos connaissances encore dissociées, nous ouvrira de telles perspectives effroyables de la réalité et de notre terrifiante situation, que cette révélation nous rendra fou, ou nous fera fuir ces lumières mortelles pour replonger dans un âge des ténèbres pénible et sûr.” premières lignes de L’appel de Chtulhu, H.P. Lovecraft
Maja Smrekar et Robertina Šebjanič présenteront leur corps de travail basé sur les interdisciplinarités des sciences naturelles et humaines et exécuté en tant que projets d’art intermédia. Les deux artistes slovènes se construisent depuis quelques années sur les problématiques de la sixième extinction globale des espèces, sur la transgénique, sur les dynamiques de l’économie globale, l’économie des émotions basée sur la domestication des espèces, sur l’opposition biophobie-biofascination, sur l’immortalité, sur l’évolution parallèle des chiens et des humains, et dans ce large contexte, explorent des réalités possibles pour un futur proche. Dans les processus d’exécutions des projets, elles ont collaboré avec de nombreux scientifiques et institutions.
Les artistes souhaitent inviter les participants à se joindre à une
série de conversations sur plusieurs jours qui tenteront de construire
les connexions de ces phénomènes intrigant du zeitgeist.
Mercredi 15 avril
Robertina Šebjanič – présentation du contexte de son projet Aurelia-1hz + discussion ouverte + mise en bassin des méduses
Aurelia Aurita
Maja Smrekar – présentation des projets Maya Yoghurt & Biobase + discussion ouverte et documentation.
Jeudi 16 avril
Maja Smrekar – présentation du projet K9_Topology + discussion ouverte.
Robertina Šebjanič – présentation des projets Aurelia-1hz et Humalga + discussion ouverte + observation des méduses photosymbiotiques Cassiopea Andromeda
Vendredi 17 avril – 18h-20h
Rencontre des artistes avec Xavier Bailly (Station Biologique du CNRS – Roscoff) – les animalgues
« Si on devait mettre en équation une symbiose, c’est à dire une association fonctionnelle et permanente entre 2 organismes différents, on pourrait écrire 1 + 1 = 1 … si c’est déconcertant d’un point de vue algébrique ça l’est également d’un point de vue biologique.
Les symbioses les plus emblématiques de l’océan sont les photosymbioses coralliennes qui associent étroitement un animal et des microalgues, ces dernières étant hébergées dans les tissus de l’animal où elles continuent de réaliser la photosynthèse : des chimères photosynthétiques – ni totalement animale ni totalement algale : animal + algue = animalgue ?
En tout cas, on observe des animaux, pas seulement les coraux, qui acquièrent une activité photosynthétique pourtant assurée à la surface de la Terre et des Océans par les plantes et les algues.
Au cours de la conférence, un modèle de laboratoire photosymbiotique développé à la Station Biologique Roscoff et qui vit sur les côtes de l’Atlantique servira d’exemple pour découvrir ce paradoxe : comment on devient un animal photosynthétique et qu’elle est l’importance biologique et écologique de ces élégantes photosymbioses à la surface de la Terre. »
Lundi 20 avril
Maja Smrekar et Robertina Šebjanič proposent un débat commun où elles abordent les convergences et divergences de leurs concepts artistiques + discussion sur la pléthore de concepts ouverts